15 juillet 2022

Les extrêmes droites au Japon

Par serge delain

directeur d’école: Qu’est ce que la Chine nous envoie?

un enfant: La Chine? Bien qu’elle puisse nous envoyer des obus, nous défendrons le Japon!.

directeur d’école: Alors il faudra aider le premier ministre Abé!

enfants en chœur: HAiiii!!

Mme. Abé: Merci beaucoup! Je dirai tout cela au premier ministre de retour à la maison! Je lui transmettrai vos vœux de protection ( du Japon ).

directeur d’école: Dites à Mme. Abé, s’il vous plaît, protégez le Japon, on compte sur vous !

enfants en chœur: s’il vous plaît, protégez le Japon, on compte sur vous !

Officiellement, au Japon, il n’y pas de parti d’extrême droite. Et c’est plutôt un facteur aggravant du problème.

De même, parler de la droite Japonaise n’est pas vraiment adapté au contexte du pays. Le clivage droite-gauche occidental ne s’applique pas au Japon. Le terme “Guerre et Paix” serait plus approprié.

En effet, les nationalistes japonais tiennent souvent un discours guerrier et glorifient systématiquement le passé impérialiste du Japon. Tandis qu’à l’opposé de cette frange offensive, il existe une tendance politique de “gauche” qui prône le pacifisme.

Iccho Ito, ancien maire de Nagasaki, était l’un des pacifistes les plus connus. Il fut assassiné en 2007 par le yakuza en pleine campagne électorale, sous l’ère Abé. Officiellement, l’assassinat était motivé par une sombre affaire d’attribution de marché publique dans le secteur de l’immobilier. Mais disons que le yakusa ne brille pas non plus par son pacifisme.

En effet, en plus de ses activités mafieuses, le yakusa est également connu pour sa proximité avec le milieu ultra-nationaliste nippon. Cette spécificité est culturelle. Tel un samouraï fidèle à son seigneur, un membre du yakusa est prêt à mourir pour son pays.

Assassiner un homme politique pacifiste de gauche est une “tradition” dans le pays. Un autre homme politique connu en a payé de sa vie. ll s’agit du chef du parti socialiste Inejirō Asanuma (浅沼 稲次郎 Asanuma Inejirō). Il fut assassiné le 23 mars 1960 par un étudiant de la nébuleuse ultra-nationaliste: Otoya Yamaguchi.

Cette mouvance radicale comporte une bonne centaine de groupuscules toutes tailles confondues. Certaines d’entre elles comptent des dizaines de milliers de membres, d’autres n’en n’ont qu’une centaine à travers tout le pays. Mais elles représentent tout de même à peu près 100000 membres au total. Ces membres sont parmi les plus radicaux du milieu ultra-nationaliste, tous prêts à mourir pour la “cause”.

Et l’ère numérique nous amène aussi l’aille numérique des ultras. On les appelle: Netto uyoku

https://www.journaldujapon.com/2017/06/03/linquietant-phenomene-netto-uyoku-lextreme-droite-japonaise-sur-internet/

Mais alors en quoi la mouvance ultra-nationaliste japonaise est-elle dangereuse, en absence de parti politique représentatif?

Il existe un conférence, innocemment nommée 日本会議 ( Nippon Kaigi ), qu’on pourrait traduire par la conférence du Japon.

De loin, on pourrait croire qu’il s’agit d’une association de maîtres de thé. Mais il n’en est rien. Cette “conférence” regroupe l’élite des ultra-nationalistes de tous milieux: religieux et politiques de tout bord.

En plus du négationnisme notoire vis à vis du passé criminel de l’archipel dans la région indo-pacifique, le Nippon Kaigi vise également le rétablissement d’un régime impérial militariste et expansionniste. C’est comme si l’on voudrait rétablir le troisième Reich en Allemagne. Cette chose totalement inimaginable en Europe, est parfaitement tolérée au Japon. Pire, cette conférence lutte contre l’égalité des sexes, le féminisme, le droits des LGBT… A l’instar des Yakusa, ses membres ont un fort penchant pour le féodalisme et le racisme.

Le Nippon Kaigi compte parmi ses membres, d’anciens combattants de la marine impériale Japonaise de la seconde guerre mondiale ( de moins en moins, mais leurs descendants y figurent ) et d’éminentes personnalités du milieu Shinto, mais aussi des politiques de premier plan.

L’organisation compte de nombreuses branches dans les grandes villes et districts. La branche Tokyo Nakano, dirigée par Keiichiro Uchino (président d’un cabinet d’avocats), a organisé en novembre 2013 une fête en l’honneur du gouvernement de Shinzō Abe, au cours de laquelle le drapeau impérial ( au soleil levant avec les faisceaux, l’équivalent du drapeau nazi à croix gammée. ) fut levé, l’hymne Kimi ga yo chanté, et l’engagement de rompre avec le régime d’après-guerre renouvelé. L’hymne kimi ga yo est notamment connu pour ses louanges appuyés envers l’empereur et son long règne, tout le contraire d’une démocratie digne de ce nom.

Et c’est bien ce Nippon Kaigi qui est en réalité la force qui tapisse dans l’obscurité et qui exerce une forte influence sur le paysage politique nippon.

Aujourd’hui, quelques jours après l’assassinat de Shinzō Abe ( paix à son âme ), je vais éviter de parler de lui et de ses échecs tant sur le plan politique qu’économique. Je n’ai pas l’habitude de parler des morts juste après un évènement aussi tragique. Parlons alors de son épouse Madame Akie Abé ( 安倍 昭恵 ).

Mais avant, je lui présente toutes mes condoléances les plus sincères et mes vœux les meilleurs lors de la traversée de cette terrible épreuve, ainsi qu’à ses enfants.

Voici des extraits en vidéo d’une visite de Mme. Abé dans un groupe scolaire élémentaires privé ( 塚本幼儿园 ) dont elle était la présidente honorifique.

https://www.bilibili.com/video/BV12x411k74D?p=1&share_medium=android&share_plat=android&share_source=COPY&share_tag=s_i&timestamp=1629071634&unique_k=a2l0zW

Cet évènement qui s’est produit en 2014, a été également été rapporté par les médias chinois:

http://v.xiaodutv.com/watch/4824684047559086993.html?recFrom=site&list=3

Si votre japonais est un peu rouillé, vous avez la traduction d’un extrait de dialogue au début de cet article.

No comment …

Cette méthode d’endoctrinement a déjà fait ses preuves dans le passé. Durant les années 1900, les enfants dans les écoles élémentaires recevaient des pommes toutes petites et très acides au goût. Certaines d’entre elles étaient grosses, juteuses et sucrées. On leur expliquait alors que les grosses pommes sont issues de Mandchourie, en Chine. Aller la bas, et on aura une vie meilleure.

https://v.qq.com/x/cover/on9xzsxg8xjukvn/a0376p423r9.html

Voici une vidéo commentée en coréen, où l’on peut entendre les enfants chanter un chant militaire de la seconde guerre mondiale, l’équivalent du chant des Waffen SS.

Difficile d’imaginer que le chant des Waffen SS soit enseigné aujourd’hui en Allemagne, mais cela est bien possible au Japon.

La vidéo montre également une lettre de l’école adressée aux parents d’élève où l’on parle des coréens comme des individus détestables, arriérés, provocateurs et difficiles à se débarrasser telles des “crottes de poisson rouge”.

Mme. Abé a du démissionner de son poste de présidente honorifique, suite à l’éclatement d’une affaire de corruption liée à l’attribution immobilière à l’école.

Aujourd’hui, le groupe scolaire Tsukamoto a été fermé définitivement, mais les centaines de groupuscules qui œuvrent dans l’ombre, la conférence Nippon Kaigi qui pilote le paysage politique sont plus actives que jamais.

Sous l’impulsion de la nouvelle politique indo-chinoise des USA, le Japon participe activement aux différentes alliances dans le secteur afin de raviver son rêve impérial.

C’est une chose que ni la Chine, ni la Russie ne peuvent tolérer.

Mais ma question est: pourquoi les grandes victimes de l’impérialisme japonais comme la Corée et l’île de Taiwan participent également à ce jeu dangereux?

L’idéologie suffit-elle à tout justifier?

A méditer.