5 novembre 2022

Taïwan Acte I: son histoire résumée

Par serge delain

De la Préhistoire à 1945

Situation géographique

Grande comme 4 fois l’île de Corse, elle se trouve au large de la province chinoise de 福建: FuJian, à la zone tropicale.

La distance à vol d’oiseau entre Paris et l’île de Taïwan est environ 9900Km, tandis que la distance qui la sépare de la Chine continentale est de 72Km.

Cette terre montagneuse, autre fois reliée au continent, est devenue une île suite à la fonte des glaciers il y a environ 18000 ans.

Préhistoire

Les plus anciens fossiles humains sur l’île ont été découverts en 1971 et 1974 dans le secteur sud à 左镇: ZuoZhen. Ils sont datés à -30000 ans AV l’ère commune. Le groupe humain de ce secteur de l’île s’appelle 左镇人: L’homme de ZuoZhen. Les archéologues ont réussi à établir un lien avec certains groupes humains dont les restes ont été découverts dans la province de FuJian, juste en face de l’île. Avec les Sikada-qaljan et les Négrito, ce sont les ancêtres des tribus qui ont peuplé l’Île très tôt et qui sont les ancêtres des minorités taïwanaises d’aujourd’hui.

Sous les dynasties Chinoises

Les premières traces écrites faisant référence à l’île remontent à l’an 230 durant la période des trois royaumes. L’île était nommée 夷州: YiZhou. Des doutes subsistent néanmoins concernant cette théorie.

Durant les dynasties des 隋: Sui et 唐:Tang (589—618) , son nom est devenu 流求: LiuQiu. En 610, après trois grandes campagnes militaires menées par la dynastie des Sui, les premiers chinois du continent arrivent sur l’île, dans le secteur de 澎湖: PengHu ( les Îles Pescadores ), à un jet de pierre de Taïwan.

Sous la dynastie 宋: Song (960一1368), il y avait déjà une importante présence chinoise sur les îles Pescadores et ceux-ci commencent à migrer vers l’île principale, le Taïwan actuel.

Au 13ème siècle, les îles Pescadores ont été placées sous la responsabilité de la province de FuJian. L’empire chinois y a stationné un contingent militaire et a instauré un gouvernement local.

Pendant la période des 元:Yuan (1271—1368) sous la domination mongole avec son chef 忽必烈: Kubilai Khan, l’un des petits fils de Gengis Khan, l’empire chinois maintenait une présence militaire sur les îles Pescadores et l’île de Taïwan.

Kubilai Khan: 23 Septembre 1215 – 18 Février 1294

Sous 2 dynasties suivantes: 明 – Ming et 清 – Qing ( sous domination Mandchou ), une administration spécifique a été crée sur l’île avec les forces de maintien de l’ordre publique et un tribunal.

Colonisation Hollandaise

Les premiers occidentaux qui ont découvert les îles taïwanaises furent les portugais. Ils les ont nommées Formosa ( belle île en Portugais ). Mais ils n’avaient pas d’ambitions coloniales à cet endroit.

Au début du 17ème siècle, la dynastie Ming était sur le déclin. Les révoltes paysannes secouent le pouvoir de l’intérieur tandis que les mandchous au nord se renforcent considérablement, et menacent l’empire de l’extérieur.

C’est le moment propice que les colons hollandais ont choisi pour envahir Taïwan. Les espagnols ont tenté d’entrer sur l’île par le nord, mais ont été évincés par les hollandais en 1642.

Les nouveaux maîtres blancs imposaient de lourdes taxes aux habitants, revendaient à prix d’or le riz, le sucre, la soie et la porcelaine aux autres nations. Les bénéfices étaient conséquents.

Mais les habitants ne pouvaient supporter les colons plus long temps. Septembre 1652, 郭怀一: GuoHuaiYi a mené une révolte contre les colons blancs. Réprimée dans le sang, la révolte échoua.

Mais entre temps, il s’est passé un événement majeur sur le continent. Les mandchous se sont emparés du pouvoir à la capitale impériale. La dynastie Ming n’était plus.

郑成功: ZhengChengGong – La première décolonisation.

En 1646, après l’effondrement de Ming au nord, les mandchous ont capturé vivant l’empereur de la dynastie Ming du sud dans la province de FuJian.

Un officier impérial de premier rang: 郑芝龙 – ZhengZhiLong s’est rendu aux mandchous. Mais l’histoire ne fait que commencer.

Le fils de ZhengZhiLong, ZhengChengGong ne pouvait supporter l’humiliation d’une capitulation, qui plus est, face aux tribus du nord…

Il a réuni assez de troupes sous le drapeau Ming pour opposer une résistance dans le sud-est de la Chine. La base principale de la résistance se trouvait à Macao. Les Mandchous ne pouvaient tolérer sa présence et réduisaient peu à peu les dernières poches de résistance.

ZhengChengGong devait trouver une nouvelle base, c’est alors qu’il tourna son regard sur la colonie hollandaise: Taïwan.

En effet, l’île de Taïwan était bien connue des marins chinois. le célèbre explorateur 郑和 : ZhengHe y faisait ravitailler sa flotte d”expédition impériale, avant de faire route vers le Sud-Est asiatique et l’Afrique.

Il a été mis au courant de la cruauté des colons blancs exercées sur les habitants de l’île ainsi que l’échec de la révolte de 1652, réprimée dans un bain de sang.

C’est le moment pour prendre le flambeau de la résistance sur l’île contre les colons. En plus d’avoir une arrière base de résistance face aux Mandchous, il voulait aussi mettre à l’abri les familles et proches de ses hommes.

Le 21 Avril 1661, la flotte de Zheng avec 25000 soldats part vers Taïwan en passant par 金门: JingMen. Voici le plan de bataille:

En rouge: la flotte chinoise, en bleu, la flotte hollandaise

Pourquoi un plan de baille aussi complexe alors que la flotte chinoise a la supériorité numérique face à quelques milliers de hollandais?

C’est parce que les colons blancs avaient des équipements et des armes plus modernes et puissants. Il était compliqué aux chinois d’échapper à la vigilance de l’ennemi surtout quand celui-ci possédait les monoculaires…

Sur mer, la flotte chinoise a pris le dessus face à la flotte hollandaise. Mais sur terre, les hollandais, retranchées derrières les fortifications, tenaient tête aux assaillants grâce aux canons plus puissants et précis.

Zheng adresse un ultimatum aux derniers envahisseurs en ces termes:

Taïwan a toujours été un territoire Chinois. Votre pays l’occupe depuis bien trop long temps, il est temps de le restituer à son propriétaire légitime. Aujourd’hui, je suis ici pour vous le prendre, et vous allez me le rendre.

Face aux armes plus modernes et puissantes de l’ennemi, Zheng a choisi la tactique du siège. Mais cette tactique pose un autre problème: le ravitaillement. Il était trop loin du continent pour avoir un ravitaillement régulier.

C’est pourquoi, il a ordonné que ces troupes cultivent les champs sur place, autour des fortifications hollandaises.

Les hollandais ont tout tenté pour briser le siège, en vain. Ils ont même essayé de nouer une alliance avec les Mandchous du continent pour attaque Zheng dans son dos, mais le responsable hollandais de l’opération s’est enfui avec sa flotte…

Après 8 mois de batailles incessantes et meurtrières pour les deux cotés, les colons ont fini par signer la reddition et restituer l’île à Zheng.

Mais pourquoi Zheng a-t-il choisi de récupérer Taïwan en prenant tous les risques alors que plus de 99% des territoires chinois était déjà aux mains des Mandchous? Même son père s’était rendu aux nouveaux maîtres de la Chine.

C’est probablement à cause de sa mère:  Tagawa Matsu ( 田川松 – 田川マツ ).

En effet, notre héro chinois est métisse sino-japonais. Mme. Tagawa était une femme au caractère bien trempé. C’était une femme de principe qui accordait beaucoup d’importance à l’honneur.

En réalité, ZhengChengGong est né au Japon, à 九州平户藩: Domaine de Kyūshū Heirō. Contrairement à son mari, elle s’est faite un seppuku ( suicide rituel ) avec une épée (probablement chinoise ) quand les Mandchous sont arrivés à FuJian.

Zheng devait récupérer Taïwan pour laver la honte de la reddition de son père face aux Mandchous, et pour faire honneur à sa mère, Mme. Tagawa. Ce faisant, il a également lavé la honte des chinois face aux colons blancs.

Six mois après la victoire sur les hollandais, Zheng meurt. La cause de sa mort reste une énigme.

Invasion Française

Les descendants de Zheng ont bien essayé de résister aux assauts des Mandchous, mais ont fini par capituler.

C’est alors que les Mandchous ont compris l’importance stratégique de l’île. Ils y ont favorisé le développement économique et le nombre d’habitants ont atteint près de 2 millions en à peine 200 ans.

Mais ce qu’ont compris les mandchous, beaucoup de pays l’ont également compris.

La guerre Franco-chinoise s’est éclatée fin 1883. Le 23 Août 1884, sous le commandement du contre-amiral Amédée Courbet, la marine française a infligé une terrible défaite humiliante aux forces mandchous et milices locales de Fujian. Il a mis hors de combat toute la force de la province chinoise, grande comme un quart de la France, en une heure!

Amédée Courbet

Fort de cet immense succès militaire sur les chinois, la marine française commençait à imposer un blocus maritime de Taïwan et se préparait à une invasion terrestre.

Attaqués par les Russes au nord et à l’Ouest, par les occidentaux et les Japonais au Sud, Sud-Est et l’Est, Les mandchous ne pouvaient se permettre de perdre Taïwan. Stratégiquement, c’est la seule voie qui restait aux chinois avant d’être encercler totalement. Ils ont fait appel à un expert militaire: 刘铭传: LiuMingChuan. Afin de passer à travers le blocus français, il a du se déguiser pour se rendre sur l’île pour organiser la défense.

Le défi qui se dressa devant Liu était immense: l’île manque de matériels, et était défendue par une poignée de miliciens inexpérimentés et mal entraînés. L’empire Qing n’était plus ce qu’il fut à son apogée il y a 100 ans.

Il a du faire passer 2000 militaires clandestinement sur l’île avec quelques matériels. C’est très peu, mais il faudra composer avec. Là, encore, on voit le gros problème d’une guerre sur une île: le ravitaillement. Les ressources limitées de l’île posent problème à tout stratège qui veut y organiser une opération d’envergure.

Les français avaient le même problème, il leur fallait du charbon pour la flotte, et le nord de l’île a justement une mine de charbon. C’est par là que Courbet va tenter une incursion avec 200 hommes. Après avoir détruit facilement les canons chinois, les français ont débarqué et pénétré sur l’île. Mais Liu connaissait l’intention de Courbet et les 200 français sont tombés dans un guet-apens.

Liu savait que ce n’était qu’un test et il a compris qu’il ne pouvait faire face à la puissance et la précision des canons français.

Courbet a changé de stratégie. Il a envoyé 2000 hommes débarquer à JiLong près de la Mine de Charbon et 3 navires à HuWei où on peut remonter une voie d’eau douce directement vers la Capitale TaiBei.

Liu est pris de court. Il n’a pas assez d’hommes pour les 2 fronts, compte tenu de la supériorité en matériel des français.

Il a alors pris une décision inédite: abandonner le secteur de la mine de charbon JiLong où se trouve le gros des troupes françaises, et envoyer toutes ses forces à HuWei pour empêcher les navires français d’arriver à la capitale en remontant le canal. Il espérait avoir une petite victoire contre 3 navires afin de faire croire à Courbet qu’un contingent conséquent est stationné sur l’île.

Les lieutenants de Liu ne comprenaient pas cette décision qui semblait absurde. Il fallait défendre contre le gros des troupes ennemies au lieu de s’occuper de quelques navires sans danger apparent. Qui plus est, abandonner une ville stratégique sous feux ennemi sans combattre coûtera la vie des généraux pour haute trahison.

Mais Liu savait qu’avec des équipements vétustes, se lancer contre les troupes de Courbet dans un affrontement de fantassins direct est une voie sans issue. Le français lui a tendu un piège.

Liu sorti son sabre et le posa sur la table, il engagea son entière responsabilité personnelle en cas de poursuite en cour martiale. En ces temps, la “responsabilité personnelle” lors d’une enquête impériale signifiait également l’engagement de la vie de tous les membres de la famille. Liu était prêt à jouer au tapis avec cette partie de poker contre Courbet.

Le 1er Octobre 1884, 800 militaires français ont débarqué à HuWei. Liu les a laissés venir à l’intérieur des terres. Ils ont ensuite été violemment attaqués par les chinois. Courbet, surpris par cette défaite, décida de ne pas aller trop en profondeur à JiLong. D’autant que la mine de charbon avait déjà été sabotée par Liu.

Les troupes françaises sont restées à JiLong jusqu’à la fin de la guerre Franco-chinoise, à la signature du traité de TianJin en 1885.

Selon les termes du traité, les chinois ont du faire d’importantes concessions territoriales et commerciales aux français. Entre autres, la France obtient l’Indochine ( le Vietnam actuel ). En échange, les troupes françaises se sont retirée de Taïwan.

Des officiers, jaloux des succès de Liu ont bien essayé de demander une enquête impériale sur l’abandon de JiLong. Mais des appuis politiques de Liu ont réussi à faire annuler l’enquête, sa famille est sauvée.

Quant à Courbet, il meurt des suite d’une grave maladie près de Taïwan la même année.

L’empire chinois a bien failli perdre Taïwan cette fois, il a préféré perdre l’Indochine à la place.

Les chinois ont retenu la leçon de Taïwan. Ils ont commencé à former une marine, à l’image des occidentaux.

Le gouvernement chinois s’est enfin rendu compte de l’importance vitale de Taïwan et a déclaré Taïwan en tant que province à part entière.

Mais hélas, les chinois n’ont pas encore fini de perdre la “belle île” ( Formosa ).

Première invasion Japonaise

Après les réformes de l’ère Meiji, le Japon entre dans une période expansionniste et avait des visées sur Taïwan.

Décembre 1871, soit avant la guerre Franco-chinoise, il y a eu un incident sur l’île de Taïwan.

Des pêcheurs originaires des îles de Ryukyu ont été pris dans une tempête. Leur embarcation s’est échouée au sud de Taïwan.

69 personnes sont mortes noyées, 54 ont été tuées par les aborigènes. Les 12 survivants ont été reconduites sur l’île de Ryukyu par les autorités chinoises.

Novembre 1873, le Japon a officiellement demandé des explications au gouvernement chinois concernant ces meurtres.

Il est intéressant de noter qu’en 1873, les îles Ryukyu n’était pas encore japonaises. En effet, il y avait un royaume sur ces îles, qui entretenait des relations diplomatiques avec l’empire chinois dès le 6ième siècle. Le chinois y est même devenu la langue officielle.

A partir du 15ième siècle, le japon a essayé d’envahir les îles Ryukyu plusieurs fois. Mais étant placées sous le protectorat chinois, les troupes chinoises ont aidé les habitants de Ryukyu à repousser les envahisseurs.

Pourquoi le Japon se mêle des affaires internes entre les habitants des îles ( Taiwan et Ryukyu ) qui ne lui appartiennent même pas (encore)?

La raison est que le Japon avait des visées sur cette zone.

琉球列島りゅうきゅうれっとう

La réponse du gouvernement chinois était claire, mais idiote:

Les aborigènes de Taïwan échappent aux lois impériales chinoises, mais les îles Ryūkyū ne sont pas sous votre autorité, pourquoi c’est vous qui me posez les questions?

Le Japon s’en est félicité et a sauté sur l’occasion:

Fort bien! Puisqu’une partie des populations taïwanaises échappent à toute autorité, nous allons nous en occuper !

Les nomades du nord ne sont clairement pas des diplomates avisés! Les Mandchous se sont rendus compte qu’ils ont commis une bourde! Une de plus.

Le Japon avait une feuille de route, un plan déjà mis en place depuis long temps. On y reviendra.

Le 6 Février 1874, “Le principe punitif contre les aborigènes de Taïwan” a été voté au Japon.

Avril 1874, “le groupe de recherche des aborigènes” composé de 3000 militaires japonais est déployé à Taïwan.

Le 18 Mai, des combats ont eu lieu entre les habitants de Taïwan et les japonais. Face aux équipements modernes, les habitants ne faisaient pas le poids et contraints à la guerria. Ce qui a fortement ralenti la progressions des troupes japonaises. Celles-ci se sont livrées alors à une campagne massacres de civils désarmés par pure vengeance.

Les nouvelles parviennent au gouvernement chinois. Des troupes chinoises sont arrivées sur l’île.

Heureusement pour les chinois, sous-équipés et mal entraînés, plus d’un quart des soldats japonais sont tombés malades et ils avaient un autre gros problème, le ravitaillement.

Le mouvement des troupes nipponnes se sont brusquement arrêtées.

Si les troupes chinoises attaquent en ce moment, ils auraient pu obtenir une victoire facile. Mais à la place de cela, le gouvernement chinois a préféré signer un traité avec le Japon:

le traité spécifique de Taïwan

Il stipule que la partie chinoise doit payer des millions en lingot d’or et d’argent en guise de dédommagement des meurtres des pêcheurs de Ryūkyū. Et la partie chinoise reconnaît que le Japon a envoyé ses troupes à Taïwan afin de protéger les habitants de Ryūkyū.

Les Mandchous ont compris plus tard que cela signifie un don de territoire en diplomatie internationale. Une bourde monumentale! Une de plus. Ils ont bien essayé de contester en 1879, mais bon…

En l’occurrence, les îles de Ryūkyū ont été “données” au Japon en 1874 par un gouvernement Mandchou corrompu et incompétent. Voilà le résultat de ce qu’on appelle

“l’incident de Mudan”: 牡丹社事件

Les sacrifices des habitants de Taïwan ont été vains. Les troupes japonaises se sont retirées, avec seulement 6 morts, une montagne de lingots d’or et des territoires en prime. Ce fut la première opération militaire du Japon pour son projet d’expansion territorial, couronnée de succès.

C’était 64 ans avant celle de l’Allemagne nazie quand Hitler a annexé l’Autriche en 1938: Anschluss de l’Autriche

Anschluss

Et les taïwanais ne sont pas encore au bout de leur peine.

Les autres puissances coloniales, ébahies, retiennent une chose intéressante:

La Chine, faible, corrompue et incompétente, préfère payer au lieu de combattre.

Seconde invasion et colonisation Japonaise

En 1879, Ryūkyū est officiellement partie intégrante du Japon. L’île principale est nommée Okinawa.

A partir d’Okinawa, méticuleusement, le Japon prépare l’invasion de Taïwan.

Les japonais ont retenu la leçon des déboires de la première invasion. Ils ont envoyé de nombreux espions déguisés en peintre, médecin, religieux à Taïwan pour surveiller la situation et collecter des renseignements. Des géographes ont fait discrètement des relevées précises pour préparer le plan de bataille. Tout ceci est fait au nez et à la barbe des autorités mandchoues.

En 1894, la flotte chinoise du nord, considérée comme plus grande flotte de guerre d’Asie a été entièrement anéantie par le Japon. L’empire Mandchou qui avait pourtant constitué cette flotte de guerre pour tenir tête au Japon n’avait pas lésiné sur les moyens.

Mais la corruption, l’indiscipline des marins ( qui ne savait même pas lire ), l’incompétence des hiérarchies, l’opium et l’anniversaire de l’impératrice ont eu raison de cette immense flotte. Oui en effet, l’impératrice CiXi s’est servie allègrement dans les caisses de la flotte pour son 60ième anniversaire… A court de munition par manque d’argent, certains commandants de navire chinois furent contraints de donner l’ordre de sabordage et ont choisi de sombrer avec leur navire.

Petite question: mais que font les flottes chinoises du sud? Voyant que la grande flotte du nord en difficulté, celles du sud ont préféré rester au port au lieu d’attaquer l’ennemi dans son dos…

Impératrice mère CiXi: 慈禧

Afin “d’apaiser” la situation, le gouvernement impérial a l’intention de céder Taïwan au Japon.

Le 17 Avril 1895, le traité de Shimonoseki : 马关条约 a été signé au Japon. En réalité, le contexte de la signature du traité est assez complexe. En plus de l’anéantissement total de la marine chinoise du nord, le Japon avait déjà commencé la colonisation de la région de Mandchourie au grand nord de la Chine. Les mandchous n’avaient strictement rien sous la manche pour négocier quoique ce soit.

Le traité de Shimonoseki oblige la Chine a fait, une fois de plus, d’importantes concessions territoriales et financières: des centaines de millions de lingots d’or de l’époque. L’empire chinois a perdu la péninsule Coréenne, devenue indépendante, mais sous contrôle japonais, et bien sur, Taïwan. Après la signature du traité, les caisses du Japon sont pleines à craquer. L’armée en a reçu une grande partie, ainsi que d’autres instituions. L’université de Tokyo a été crée grâce à cet argent extorqué à l’empire chinois.

Cependant, les troupes stationnées à Taïwan, ainsi que les habitants ne reconnaissent pas les termes du traité. Ils ont l’intention de se battre jusqu’au dernier. Le Japon devra arracher l’île des mains du dernier Taïwanais encore en vie !

Le 5 Novembre 1895, le Japon envoie 10 navires de guerre et 15000 hommes pour attaquer Taiwan. L’attaque se fait par le nord et le sud. Au nord, les japonnais ont choisi JiLong, où le français Courbet a débarqué quelques années plutôt.

Le gouverneur de Taiwan 唐景崧: TangJingSong a déclaré l’indépendance de l’île afin de se mettre hors de portée du traité de Shimonoseki. La République démocratique de Taiwan est ainsi née. Mais les chinois ne font pas le poids face aux troupes japonaises bien équipées et bien entraînées. Le gouverneur s’est enfui au bout de 11 jours de combat. La République démocratique de Taiwan n’aura eu que 11 jours d’existence.

Les habitants de taiwan, chinois et aborigènes, poursuivent le combat contre l’envahisseur japonais.

Mais pas tous. 辜显荣: GuXianRong était un riche commerçant dans la capitale TaiBei. A l’approche des troupes japonaises, il a ouvert la porte de la ville aux envahisseurs. Il a même été décoré par le Japon.

Son fils, 辜宽敏: GuKuanMin est l’un des indépendantistes de la première heure après 1949. Il a perdu face à la présidente actuelle 蔡英文: CaiYingWen aux élections de 2008.

Le Japon a mis beaucoup de temps pour soumettre l’île entièrement, les derniers combats ont eu lieu en décembre, soit près de 8 mois de combat. Au total, près de 40000 hommes ont été mobilisés rien que sur Taiwan, avec 4662 morts. Le Japon a été surpris par toute la difficulté pour soumettre Taïwan.

Et la vengeance devait être à la hauteur des frustrations. Sur l’île, pratiquement tous les hommes en âge de combattre sont morts au combat ou fusillés, les femmes sont pratiquement systématiquement violées. Ces exactions avait commencé des mois avant la fin des combats en décembre.

Il y a notamment le cas du village de 骁龙社: JiaoLongShe. Quand les résistants se sont retirés, les troupes japonaises ont encerclé le village où se trouve des milliers de villageois venus se réfugier. Personne ne s’en est sorti vivant.

Il y a aussi le cas de 桃园县大溪: TaoYuanXianDaXi. Le 22 Juillet 1895, les troupes japonaises ont mis le feu au village qui a brûlé pendant 3 jours. 260 morts.

Destruction de JiaYiXianDaLin

Il ne faut pas oublier le cas de 嘉义县大林: JiaYiXianDaLin. Les villageois ont décidé de se rendre. Mais cela ne suffit pas, les japonais exigent 200 femmes. Les villageois refusent. Les soldats japonais ont massacré 60 femmes, dont certaines ont eu les intestins sortis par le vagin.

Femmes violées puis massacrées à JiaYiXianDaLin

Il y a encore le cas de 佳里镇: JiaLiZhen le 10 Octobre 1895, 10000 morts, y compris des nourrissons.

云林: YunLin, 6000 morts. Fait relaté par le journal HongKongais Daily Press du 4 Juillet 1896. Je suis en train chercher un moyen d’obtenir le numéro du journal sur le portail de recherche de presse britannique.

Les 2 massacres les plus atroces sont ceux de 大坪顶: DaPingDing et de 焦吧年:JiaoBaNian. Les japonais ont massacré plus de 60000 civils.

Soldats japonais qui décapitent les villageois chinois à Taïwan

D’après les chiffres évoqué 王国璠: WangGuoFan, le vice-responsable de l’association de l’histoire de Taïwan dans son livre “L’Histoire de la lutte anti-japonaise de Taïwan”, paru en 1981, c’est plus de 400000 civils qui ont été massacrés durant les 50 ans de colonisation nipponne jusqu’en 1945, soit 10% de la population totale de l’île

Le livre n’est plus édité

En plus des massacres systématiques au moindre signe d’insoumission, le Japon procède à la japonisation forcée de Taïwan.

  1. Il est interdit de parler et écrire le Chinois. Le japonais est obligatoire partout.
  2. Tous les Taïwanais doivent avoir un nom et prénom japonais
  3. Tous les élèves et enseignants doivent se prosterner devant la photo de l’Empereur du Japon tous les matins, et scander “longue vie à l’Empereur”, 3 fois.
  4. Les fêtes et traditions chinoises sont remplacées par les japonaises
  5. Les lieux de cultes chinois sont remplacés par les équivalents japonais
  6. Les habits, les meubles, les ustensiles dans les habitations ainsi que leur emplacement sont soumis au contrôle de la police japonaise, et doivent obéir aux traditions japonaises. C’est le châtiments corporel qui attend les contrevenants.

Mais le pire qui attend les Taïwanais est l’enrôlement forcé des jeunes dans l’armée japonaise.

Jeunes Taïwanais enrôlés dans l’armée japonaise

Si certains Taiwanais supportent très mal le levage de cerveau et essaient de passer au continent pour participer à la lutte anti-japonaise en Chine continentale, d’autres ont en revanche accepté le destin.

Certains jeunes Taïwanais commencent à se croire plus japonais que les japonais eux-même. Et pour eux, servir de chaire à canon en première ligne ailleurs en Asie est un honneur, et permet d’effacer leur identité chinoise qui leur fait honte.

Je ne sais pas pour vous mais, j’ai cette image qui me vient à l’esprit:

Ces 50 années de colonisation Nipponne à Taïwan a laissé de profondes traces dans la société de l’île, jusqu’à aujourd’hui, 2 générations après.

Certaines femmes qui ont servi de femmes de réconfort pour l’armée japonaise sont encore en vie sur l’île. Elles ont plus de 90 ans. Elles espèrent juste que le Japon reconnaisse les faits. Je crains ce soit très difficile.

Il y a en revanche, des lycéens qui crient haut et fort que leur défunte grand-mère s’est portée volontaire pour être femme de réconfort. Étrange non?

En effet, à Taïwan, il n’y pas beaucoup de descendant de résistants puisque ceux-ci ont tous été massacrés ou presque. La mémoire des résistants est seulement perpétuée par quelques spécialistes et des étrangers.

L’immense majorité des taïwanais étaient quand même heureux que la cruelle colonisation des japonais prenne fin le 25 Octobre 1945.

Cependant, le programme japonais de “impérialisation du peuple de Taiwan” avait particulièrement bien marché. Des gens comme GuKuanMin ( celui a ouvert la porte de la capitale aux troupes japonaises), sont devenus de véritables sujets de sa majesté impériale du Japon et prônent pour l’indépendance de l’île, même après la libération. Leur descendant sont restés aux affaires, et continuent à exercer de fortes influences sur la scène politique de l’Île.

A partir de 1945, une autre hyperpuissance commence à s’intéresser à l’île de près, je parle bien sur des états-unis.

Les américains ont également poser une option sur l’île. Très tôt, ils ont formé un groupe de gens pro-américains tels que 廖文毅: LiaoWenYi

廖文毅

Que ce soit les “sujets” reconvertis de l’empire Japonais GuKuanMin, ou les “citoyens” de 3ième zone des états-unis LiaoWenYi, ils ont un objectif commun: l’indépendance de l’île de Taiwan.

De ce fait, Japon et états-unis ont un objectif commun et travaillent ensemble.

La belle île formosa n’a pas fini de faire parler d’elle.

Prochain Acte: 1945 – à nous jours.