30 juin 2021

Accord nucléaire: La fusion est plus difficile que la fission

Par serge delain

Aujourd’hui, j’ai enfin compris le sens du mot “cynisme” lorsque je suis tombé sur cette chose:

https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20210402-nucl%C3%A9aire-iranien-les-%C3%A9tats-unis-rejoignent-les-pourparlers

avec un comique rare:

Les États-Unis participeront mardi prochain à Vienne à des pourparlers pour tenter de sauver l’accord sur le nucléaire iranien. Ces négociations, pour le moment indirectes, réuniront tous les signataires de l’accord – Iran, États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne. Washington dit par ailleurs rester « ouvert » à des discussions « directes » avec l’Iran. 

https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20210402-nucl%C3%A9aire-iranien-les-%C3%A9tats-unis-rejoignent-les-pourparlers
Le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price. Photo AFP / POOL / Carolyn Kaster

Et oui, nous parlons bien de l’accord nucléaire avec l’Iran ( JCPoA ) , que Trump a atomisé en 2018.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Retrait_am%C3%A9ricain_de_l%27Accord_de_Vienne_sur_le_nucl%C3%A9aire_iranien

Quand vous aurez fini de rire ( sans vous étouffer ), vous pouvez continuer la lecture.

Des semaines et 6 lots de négociations sont déjà passés, et voici cette annonce, faite avec la méthode étasunienne.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1773481/syrie-frappes-americaines-iran

Il s’agit d’une attaque aérienne menée par l’aviation de l’armée américaine sur sol syrien, à la frontière avec l’Irak. Des combattants pro-Iraniens ont été tués lors de l’attaque.

TOPSHOT – Iraqi mourners attend the funeral of a fightrer of Hashed al-Shaabi paramilitary alliance following US air strikes on the Syrian-Iraqi border, on June 28, 2021 in the northern Nineveh province. Iraq’s Prime Minister Mustafa al-Kadhemi today condemned an overnight US air strike against Iran-backed armed groups which a monitor said killed at least seven fighters. The Pentagon said it had conducted retaliatory targeted air strikes against “facilities used by Iran-backed militia groups” on the Iraq-Syria border. / AFP / Zaid AL-OBEIDI

Le message envoyé par les USA n’est pas très optimiste et reflète toutes les difficultés rencontrées lors des négociations avec l’Iran.

Cette attaque montre que les USA et l’Iran sont très loin d’un accord. Elle doit servir de ‘rappel’ à Téhéran que les USA possèdent toujours la carte militaire à jouer. Ils ne tolèrent pas une telle présence des miliciens pro-iran dans la région. Elle doit également rassurer son allié du coin de longue date: l’Israël. Celui-ci ne doit pas se sentir trahi. Les USA doivent leur montrer qu’ils sont présents et qu’ils n’hésitent pas à intervenir.

Mais je vais vous demander de prêter attention à l’endroit où l’attaque a eu lieu: il est sur le sol syrien, à la frontière avec l’Irak. Cela démontre que les USA n’ont pas (encore) l’intention de pousser l’Iran à bout. Dans le cas contraire, l’attaque aurait eu lieu sur le sol Iranien ! Un espoir est toujours possible. Mais l’espoir pour qui?

analysons.

La position iranienne est claire: revenir dans l’accord à l’unique condition que les USA retirent toutes les sanctions entreprises suite à “l’atomisation” de 2018.

La position américaine est plus compliquée à tenir. Après avoir causé la fission de l’accord, la fusion n’est pas aussi simple à réaliser. D’abord, l’opinion américaine ne comprendra pas le retrait unilatéral des sanctions contre l’Iran. Cela sera perçu comme un aveu de d’échec et de faiblesse. Puis, à l’heure où les USA tentent de resserrer les rangs de ses partenaires pour contrer la “menace” chinoise, reculer devant l’Iran les rendraient tout simplement ridicules. Alors la position américaine est d’un jeu d’équilibriste:

Selon le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, Washington est prêt à examiner une levée des sanctions envers l’Iran, mais seulement celles liées à la question nucléaire. « Nous ne ferons certainement pas de gestes unilatéraux ou de concessions pour convaincre l’Iran », a prévenu Ned Price.

https://www.20minutes.fr/monde/3014819-20210406-nucleaire-etats-unis-font-petit-vers-iran

Les USA demandent donc aux iraniens de faire demi-tour, contre “une cacahuète”. Si non, l’aviation américaine rode toujours dans le coin.

Il est évident que la demande de la partie américaine est inacceptable pour Téhéran. L’opinion iranienne ne pourra jamais accepter une telle humiliation.

Mais alors quelle est la carte iranienne?

https://fr.euronews.com/2021/03/27/iran-chine-un-pacte-de-cooperation-strategique-de-25-ans

La carte est chinoise. Et elle est matérialisée par au moins 400 milliards de dollars d’investissement en Iran contre du pétrole et gaz de très bonne qualité. Tous les détails de l’accord ne sont pas publiques. Mais nous savons déjà que l’Iran va vers la fin du pétro-dollar. Les échanges avec la Chine se feront avec Yuan Chinois. C’est lourd de signification car en effet, les transactions se feront hors du système SWIFT, les USA n’auront donc, ni la possibilité de bloquer les transaction, ni même la connaissance précise du volume d’échange.

Et il y a bien sur la carte russe. Celle-ci pourra toujours fournir une aide technologique et surtout militaire.

En réalité, la grande gagnante du retrait américain est bien la Chine. Nous commençons à en apercevoir le contour 4 ans après. Les acteurs de la régions ont bien compris que la Chine est un choix fiable. Ainsi, nous voyons une utilisation assez importante du vaccin chinois contre le Covid-19. Les Emirats arabes unis ont même acquis le droit de production locale.

En effet, lors du retrait unilatéral de l’accord nucléaire en 2018, l’Europe a simplement suivi à cause de ses intérêts fortement dépendants des USA. Les seuls qui sont restés sont russes et chinois … et la nature a horreur du vide …