Petites réflexions sur le racisme banalisé lié au “Made in China”
Depuis plusieurs jours, on entend sur les ondes et on peut lire dans la presse que le vaccin chinois pourrait être une option pour le gouvernement Français pour combattre le virus. On apprend que Viktor Orban l’autorise en Hongrie, et que la Serbie pourrait faire de même.
Aussitôt, cette info, reprise en boucle d’abord par les journalistes, puis pas par les réseaux sociaux se repend comme une trainée de poudre.
On entend cette fameuse phrase : « Je ne fais pas confiance au vaccin chinois ». Sous-entendu : Je ne fais pas confiance aux chinois. « Pourquoi ? » leur répond on …. Deux réponses arrivent irrémédiablement :
« Parce que on n’a pas d’infos sur ce vaccin ». Même si des millions de gens sont vaccinés en Chine, en Indonésie, en Amérique du sud et en Afrique par le vaccin développé par Sinopharm. On parle ici de plusieurs dizaines de pays, des dizaines de millions de personnes. Mais la condescendance est plus forte. Il s’agit d’Africains, de chinois…ils ne savent pas ce qu’ils s’injectent vous comprenez…
Très bien. Et c’est là, qu’on sort du factuel, pour arriver au lieu commun.
Le vaccin chinois serait à proscrire parce que c’est du « made in china ». Le fameux Made in China, synonyme de produits de basse qualité, à durée de vie ultra courte, ne respectant aucune règlementation…alors même que c’est avec la réglementation européenne que sera validé ou non ce vaccin en Europe.
Mais mon propos n’est pas celui-ci. Mon propos est bien évidemment de parler de cette idée profondément installée dans l’esprit inconscient de nos concitoyens. Cette opinion quasi générale en Europe que la Chine produit des biens de mauvaise qualité. « Elle inonde nos marchés ». « Elle prive nos pays occidentaux d’usines ». « Elle nous prive d’emplois », bref, il faut cesser d’acheter chinois. Voilà, à peu près, les raccourcis stupéfiants que la majorité des français approuvent par ignorance ou par racisme assumé. Peu leur importe finalement qu’acheter « chinois » ne veut rien dire.
Même si d’évidence, acheter chinois ne signifie pas acheter à des entreprises chinoises. Quand le quidam français achète ses belles chaussures, ou des jouets à ses enfants, produits fabriqués en Chine, ce quidam enrichi d’abord ces marques occidentales qui ont délocalisé pour leur unique profitabilité. Profitabilité qui n’a servi qu’à enrichir les actionnaires et les patrons de ces groupes.
Qui est perdant ? l’ouvrier français, qui perd son travail ? L’ouvrier chinois , payé une misère par ses patrons étrangers ? Les deux. Mais la Chine n’avait pas le choix. Il fallait produire, fabriquer pour faire travailler sa formidable masse de travailleurs peu qualifiés. Et apprendre. Apprendre les techniques. Pour plus tard, augmenter les salaires, et produire du plus haut de gamme. Et créer ses propres entreprises. Et parier sur sa propre consommation intérieure. La Chine a parié sur l’avenir.
Mais revenons en arrière. Petit rappel des faits : La Chine dans les années 80 et 90 se développe très rapidement. Deng Xiaoping, alors président, a un objectif, faire rentrer la Chine dans la compétition internationale. La capacité de production de biens manufacturés augmente de façon exponentielle. Les capitalistes européens et américains ne s’y trompent pas. Produire à bas cout, parfois pour la moitié du prix de revient de fabrication dans leur pays, est une aubaine incroyable pour la rentabilité de ces entreprises frappés par la crise économique. La Chine leur promet un rêve : Produire pour moitié moins cher, et revendre au même prix qu’auparavant. Les marges explosent. Les revenus de centaines de patrons, d’actionnaires, explosent. On peut ainsi dire que le grand capitalisme, le libéralisme, que l’on peut appeler l’ultra libéralisme est devenu ce qu’il est aujourd’hui grâce aux ouvriers chinois qui travaillaient pour 400 yuans par mois 10 heures par jours, 6 jours par semaine.
Qui est coupable ? L’ouvrier chinois qui travaille pour une misère, ou les entreprises occidentales qui ont choisi de faire produire dans ces usines d’esclaves ? Mais c’est sans doute trop penser pour ces contempteurs de l’empire du milieu.
Depuis une dizaine d’années les salaires augmentent en Chine, et beaucoup d’ouvriers heureusement sont sortis de la misère. La Chine, grâce à son dynamisme économique, va devenir sous peu, ce que les économistes appellent « Un pays développé ». Le Made in China va progressivement disparaitre en ce qui concerne les produits low costs (textile, petit électroménager, jouets, ). De plus dans le même temps les entreprises chinoises ont augmenté l’automatisation, et les robots prennent de plus en plus la place d’ouvriers.
Car désormais la Chine crée ses marques : Tencent, Alibaba, Huawei,Baidu toutes connues et s’exportant dans le monde entier désormais. Mais là non plus cela ne convient pas aux capitalistes occidentaux… Ceux-ci s’offusquent alors que ces entreprises soient contrôlées par le PCC. Ce qui est plus ou moins exact, mais de manière certaines, elles ont des comptes à rendre à l’état chinois. Est-ce cependant un problème ? Aux yeux des capitalistes et des fonds de pensions américains sans doute, mais aux yeux des dirigeants chinois ce n’est pas un souci. Bien au contraire. Pour eux, une entreprise d’état à des comptes à rendre, a des obligations en matière d’emploi, de sécurité nationale. Leur gouvernance doit d’abord être validées par l’Etat chinois. Et alors ? N’est-ce pas ce qu’on demande à une entreprise étatique ? Les responsables politiques français, de droite comme de gauche semblent s’en rendre compte.
La Chine doit prendre conscience que, le matraquage intellectuel sur le made in china a été tel pendant des années que son image dans les pays occidentaux est amoindrie et fragile. Je ne parle même pas de son image en matière purement politique qui est désastreuse. En en prenant conscience, elle accélèrera la création de ses propres géants sans se préoccuper de ce qu’en pense les européens et américains. Mais ne nous y trompons pas. C’est l’ultralibéralisme économique qui est la principale cause de ces dérèglements. Seule, une fabrication locale, des salaires dignes, une consommation responsable fera changer les choses au niveau mondiale. La Chine ne le pourra pas toute seule.
Alexis Junjie