Shanghai, ville duelle,
Souvenirs de Shanghai (1)
Je suis abordé par une jeune femme tenant à la main plusieurs petites roses. Shi Kuai Qian, 10 yuans. Je lui souris gentiment tout en lui faisant non de la tête. Le bund regorge de monde ce soir-là. Il faut dire que le temps s’y prête. Les soirs d’été, c’est un lieu de promenade idéal. Shanghai est la perle de l’Asie, ou le Paris de l’orient comme on l’entend ici et là, et le Bund en est son fleuron.
On y croise des voyageurs, des touristes européens, américains. On y croise des familles de chinois entières, des petits enfants aux grands parents.
Derrière moi, les bâtiments d’architecture coloniale. Sur l’autre rive du Huangpu, se dressent les hautes tours de Pudong. Les chiffres donnent le vertige. Tour Pearl Tower 468 mètres, Tour Jin mao 421 mètres, International finance center 492 mètres, et la plus haute, la Shanghai Tower 628 mètres, deuxième tour la plus haute au monde.
Les gens les prennent en photo. Fiers de poser devant elles. La nuit tombe rapidement…l’heure tourne, bientôt, il est 22h, mais il fait encore chaud : 26 degrés. L’été à Shanghai est chaud, très chaud. Il n’est pas rare que la température frôle les 40 degrés en journée et descend rarement sous les 25 la nuit. Beaucoup de chinois se promenant sur le Bund sont des « Waidiren » comme les appellent les Shanghaiens avec un brin de condescendance. Des chinois de campagnes.
Ce qui me frappe aussi c’est que personne ou presque ne photographie les vieux immeubles du Bund, symboles de la présence anglaise. Pourtant il est interdit de les détruire, de les modifier, ou de les reconstruire, ils sont classés monuments historiques. La plupart datent du début du siècle dernier jusque dans les années 1930. Le Peace Hotel, le bâtiment du commerce extérieur, la Bank of China. Mais les touristes n’en ont cure. Seules ces immenses tours de Pudong ont grâce à leurs yeux.
En marchant quelque peu sur les rives, j’atteins la vieille ville de Shanghai, ses vieilles maisons, pour beaucoup très délabrées, ce qu’on appelle les Shi-Ku-Men et les allées Li-Nong. Les Shi-Ku-Men sont de vieilles maisons qui datent pour la plupart du début du XXème siècle, et elles sont restées dans leur jus. Les gens qui y vivent sont pauvres, et beaucoup de ces habitations sont détruites ou en voie de l’être…
J’y déambule en souriant à ses habitants, tous très occupés. Un peu plus loin, en sortant de la vieille ville, sur Huai Hai Lu, je m’arrête dans une petite boutique, typiquement chinoise où l’on peut acheter toutes sortes de bon mets à déguster…viandes séchées, brochettes, fruits séchés…
Shanghai doit être admirée de nuit me disait un ami chinois ; Je ne pouvais qu’acquiescer.
J’aimais prendre le métro de Shanghai, d’abord parce qu’il est propre, ensuite parce que j’aimais regarder les gens. Des jeunes cadres trentenaires chinois allant travailler à Pudong dans leur petit costume cintré, les cheveux noirs impeccablement coiffés et leurs petites lunettes. Les jeunes femmes Shanghaiennes, pour certaines maquillées, souvent très belles. On dit à Shanghai que ce sont les femmes qui tiennent le couple. Les hommes shanghaiens paraissent souvent aux autres chinois comme efféminés.
Ce qui est frappant à Shanghai est l’impression de dynamisme qui en émane. Dans le métro, je suis souvent étonné de la moyenne d’âge des gens autour de moi. 30 ans tout au plus. Chacun d’eux a le nez collé sur leur portable dernier cri, avec des dizaines d’applications téléchargées. L’augmentation du pouvoir d’achat des chinois n’est pas un mythe. Il est là, réel, palpable.
Les Shanghaiens ont envie de réussir. Une envie incommensurable.
J’aime Shanghai depuis le premier jour où j’ai foulé son sol. On se sent comme une petite particule dans cette immensité. Mais cela nous donne un sentiment d’humilité face à ce gigantisme. La vie y est tellement trépidante tout autour de vous, et même les personnes âgées se lèvent à 6 heures du matin et sortent de chez eux pour faire leur gymnastique quotidienne, Taiji, Qigong… et dans cette ville, vous vous devez de survivre, de combattre sinon on vous oublie à votre sort. C’est cela Shanghai, une dualité. La vie y est aussi bien douce que brutale.
La nuit avançant, la fatigue m’imprégnant, je décide de m’isoler et de descendre au terminal Zhong Shan Park. En sortant du métro, une musique gaie envahit mes tympans. Plusieurs dizaines de couples entourés par une foule de badauds dansent au son d’un petit orchestre, la joie se lit sur tous les visages. Les gens sont tous d’un certain âge. Sur ces visages, on sent la joie de déguster un moment simple de bonheur.
Après avoir partagé ce bonheur avec eux, je décidai de rentrer chez moi, l’esprit au calme. Shanghai ne dormira pas. Shanghai ne dort pas. Elle s’assoupit les yeux mi-clos, au milieu de la nuit, juste un peu, afin de récupérer toute sa vigueur pour le lendemain.